Questions à…Constance Guisset
Femme au parcours atypique, Constance Guisset n’a de cesse d’aller de l’avant. Brillamment diplômée de l’ESSEC en 1998 et de Sciences Po en 2001, elle décide de changer d’horizon en 2003. Elle étudiera à l’ENSCI jusqu’en 2007 tout en étant administratrice pour les frères Bouroullec. Sélectionnée parmi les dix créateurs de Now ! Design à vivre de Maison et Objet en 2010, elle cumule les récompenses pour ses créations fluides et porteuses de rêve. Tout laisse à croire qu’elle a trouvé sa voie. Rencontre.
Quels sont vos principales sources d’inspiration ?
Elles sont multiples. De l’art contemporain à tout ce qui ponctue la vie quotidienne, je suis sensible à ce qui évolue, ce qui bouge, ce qui vit. Le processus créatif est lui-même en perpétuelle évolution et mon travail s’affine souvent en cours de projet. De manière générale, il me semble que tout ce qui a trait à la culture nourrit le travail d’un designer.
Si on devait trouver trois mots pour vous définir, quels seraient-ils ?
Difficile de résumer son propre travail en 3 mots… Enjouée, obstinée et profondément animée par un désir de mouvement.
Ajoutons le verbatim de Ronan Bouroullec selon qui « pour elle, il n’y a pas de raison que ce ne soit pas possible, elle n’a peur de rien ».
Un objet fétiche vous caractérisant ?
A choisir, ce serait ma radio. Elle me suit partout. Elle me permet d’être à l’écoute de l’extérieur, d’attiser ma curiosité. Source d’évasion sans être invasive, elle laisse libre cours à d’autres activités en parallèle contrairement à la plupart des autres objets communicants. Ma caméra est un autre incontournable qui me permet de capter les mouvements et les émotions. C’est un peu comme mon espace de liberté et d’expression personnelle.
Un classique du design ?
La table basse d’Isamu Noguchi.
A choisir, émotion, passion ou raison ?
L’émotion.
Comment définissez-vous votre parcours ?
Comme une conjonction d’événements finalement assez logique…Toute petite déjà, sur mon établi, j’adorais bricoler et cherchais toujours à arranger les trucs. Curieuse, j’ai toujours été animée par l’envie d’associer les activités intellectuelles et manuelles. Jeune au moment d’entrer dans les études, je me suis orientée dans les voies les plus porteuses afin de me donner le choix. Mais ma sensibilité technique et mon goût pour les arts m’ont suivie, et m’ont rattrapée. Le design m’a paru être une voie évidente pour concilier les deux dimensions.
Comment utilisez- vous ces compétences multiples dans la création?
Je vois ce parcours comme des stratifications successives. Celles-ci viennent enrichir le lien que je peux établir entre rêve et réalité. Mon parcours académique m’a sans doute donné un sens de l’organisation et une faculté de concentration que j’adjoins aujourd’hui à mon processus créatif. Je fonctionne par à-coups et par révélations. Lorsqu’une image me vient à l’esprit, je mets tout en œuvre pour la matérialiser et me donner les moyens de la traduire.
Concilier le rêve et le réel font visiblement partie de vos motivations profondes. Est-ce, par les temps difficiles, une réponse à un désir d’insouciance ou un levier pour innover?
Les deux. Au travers de mes créations, j’ai envie de rêver, d’apporter un peu de d’éphémère et d’enchantement au quotidien. L’idée de mouvement est également récurrente dans mes travaux, pour ne pas dire permanente. J’essaie de rassembler au mieux mon énergie pour rendre possible le compliqué, et le faire vivre. En somme, à mon échelle, apporter un peu de rêve sur terre.
Quel regard portez-vous sur la société actuelle et ses besoins en matière de design ? Et pour le futur ?
La société actuelle dénote une certaine inconscience qui laisse à penser que les choses arrivent d’elles-mêmes et sans effort. Cette croyance crée une illusion de facilité qui tend à tout vulgariser, à tout banaliser. Pour le futur, je pense qu’il faut réinjecter de l’émotion, nourrir l’imaginaire, apporter un peu d’ailleurs voire de l’humour, sans trop se prendre au sérieux. L’art a un rôle à jouer dans cette évolution me semble-t-il.
Après l’ère de l’individualisme, croyez-vous en un mode de vie plus communautaire à l’avenir ?
Je doute que l’on puisse parvenir à installer une vie communautaire sans entraver la liberté de chacun. On ne peut pas tout faire ensemble. En revanche, je suis persuadée que la conscience personnelle et le cumul des bonnes actions individuelles peuvent favoriser le bon sens collectif, qui permet d’interagir au mieux.
L’écologie, produit marketing ou mutation nécessaire ? Comment l’intégrer vous dans vos travaux ?
Sans doute les deux. Pour ce qui relève de mes travaux, je n’intègre pas l’écologie comme une contrainte de départ, là où il s’agit d’un objectif fondamental pour certains. Néanmoins, elle s’inscrit dans une logique d’intégration au projet à chaque étape de développement. Lors des choix des matériaux notamment.
Votre prochain projet ?
Je viens de finaliser une scénographie pour un chorégraphe à Suresnes Cités Danse. Par ailleurs, plusieurs objets devraient être édités pour Milan 2011. Parmi les autres développements à venir, la création d’un papier peint pour le WallpaperLab des Arts Décoratifs, des projets d’architecture et d’édition dont je ne peux encore trop parler… En mai, je m’accorderai un moment de respiration pour donner naissance à mon deuxième enfant et profiter pleinement de ce que les yeux d’enfants peuvent m’apporter comme enrichissement de toute part.
Légèreté assumée, optimisme communicatif et femme comblée. A croire que Constance Guisset se donne aussi les moyens de naviguer entre ses propres rêves et sa réalité, univers dans lequel on se laisse volontiers transporter. Ses créations sur www.constanceguisset.com
Propos recueillis par Hélène Robin pour Blog Deco Design en janvier 2011